Détail
Après 4 ans de pause je reprends les crayons pour une oeuvre majeure de grand format (60 x 150 cm). C'est une allégorie sur l'égalité, ou plus exactement sur l'inexistence de l'égalité dans nos sociétés. Il n'existe pas non plus de mot pour ça, alors j'ai donné comme titre un néologisme mélangeant les mots Négation et Égalité donnant : "Négalité".
L'égalité, si souvent promise, est une illusion niée par les structures mêmes de nos sociétés. À travers une composition verticale cette allégorie commence avec un filet de sable doré qui s’écoule d’une source unique, capté d’abord par des mains charnues, symboles d’un privilège insolent. Ces mains, placées à hauteur des yeux du spectateur, retiennent l’abondance, ne laissant s’échapper que de minces filets à travers leurs doigts. Plus bas, des mains frêles, torturées, implorantes ou désespérées luttent pour saisir ces miettes, tandis que le sable, perdant son éclat doré, se mue en un gris stérile. Au sol, dans une abondance paradoxale, des mains mourantes émergent, dans une lumière devenue quasi inexistante, comme un cri étouffé de ceux que l’inégalité a réduits à l’état de vestiges. Négalité confronte le spectateur à une réalité inconfortable. Le fond noir, incarnation du néant, et le faisceau lumineux venant du haut accentuent la verticalité hiérarchique, tandis que la gradation du sable – du doré éclatant au gris mortuaire – traduit la déchéance des espoirs. Pour voir les détails tragiques du bas, le spectateur devra se pencher, s’accroupir, s’abaisser : un geste physique qui devient une métaphore de l’effort nécessaire pour reconnaitre les invisibles, ceux que la "négalité" a ensevelis.
Négalité est le pendant du "Radeau de la liberté", formant un diptyque conceptuel. Là où le Radeau éclate de couleurs, vibrant d’un espoir fragile pour une liberté convoitée, Négalité s’enfonce dans l’austérité, dénonçant l’impossibilité de l’égalité dans un monde où les ressources et les opportunités s’accumulent toujours en haut. Ce contraste chromatique et thématique – espoir contre désillusion – invite à une méditation sur les promesses brisées de l’humanité.
Avec Négalité, j’ai voulu créer un mot et une image pour dire l’indicible : l’égalité n’existe pas, elle est niée par les mains qui s’approprient, par les systèmes qui hiérarchisent, par l’indifférence qui oublie ceux d’en bas. Mon œuvre est une invitation à regarder là où ça fait mal, à s’abaisser pour voir les os dénudés dans le sable, à reconnaitre que l’injustice est partout, même dans l’abondance. En utilisant l’hyperréalisme, je veux que le spectateur se sente concerné, comme s’il touchait lui-même ce sable qui lui échappe. Négalité ne se contente pas de représenter l’inégalité, elle en fait une expérience. En obligeant le spectateur à s’impliquer physiquement et émotionnellement. Voir l’injustice est un choix, et que l’ignorer est une complicité.
Que faisons-nous du sable qui passe entre nos mains ?
LES ÉTAPES DE LA CRÉATION
1. Les premières mains sont finies. Déjà 1 mois de passé. J'avance bien. L'original est nettement mieux, les photos de dessin très contrasté tel que celui-ci sont difficiles à être fidèle. C'est tout l'intérêt d'un original.
3. J'arrive à la première main du dessous qui fait encore partie des privilégiés dans cette allégorie de la Négalité ( Elle parait plus grande à cause de la perspective de la prise de vue)
4. Passage délicat pour réaliser les nuances subtiles entre les teintes rosées et ocres. Le crayon n'autorise pas de repentir comme en peinture.
5. Ce second niveau de Négalité est représenté par cette main tendue à l'extrême, essayant de capter un maximum ce sable doré et elle y arrive pas mal.
6. À partir d'ici les mains vont changer d'attitude, la lumière s'estomper, la saturation des couleurs diminuer, le sable perdre sa dorure. Nous descendons progressivement dans les profondeurs de Négalité. Contrairement à la précédente cette main n'est plus insolente d'ambition à capter un maximum de sable en écartant ses doigts le plus possible. Elle est timide, plus frêle, dans une attitude de mendicité. Elle se contente du peu qu'elle obtient.
7. La main de droite est finie et j'ai déjà bien entamé celle de gauche. Cette dernière occupe une place charnière qui relie la partie haute de la partie basse à venir. J'expliquerai en détail quand elle sera finie.
Les deux mains de ce niveau sont complémentaires elles semblent "dialoguer". Là aussi j'expliquerai une fois cette étape finie. Dans cette verticalité imposée par l'allégorie, ce seront les seules qui auront une connexion horizontale.
Cette main est aussi particulière en soi pour une autre raison que je dévoilerai une fois l'œuvre terminée (si je n'oublie pas...).
9. Nous voilà à un niveau intéressant de Négalité. La main de gauche prend une position inverse à toutes les autres (qui ont la paume vers le haut). Elle n'est pas en position de recevoir mais d'appel à l'aide. Le sable coule à travers elle sans la toucher. Elle n'aura rien. C'est un appel à l'aide vers le haut mais aussi vers la main de droite, qui elle reçoit encore. Cette dernière a une posture à double signification. Elle a une attitude de mendiante vers le haut mais aussi d'offreuse vers la main de gauche qui l'appelle. Comme souvent, ce sont ceux qui n'ont pas grand-chose qui partagent. Nous sommes au milieu de l'œuvre et c'est le seul endroit où il y aura une interaction horizontale.
10. Nous entrons avec cette nouvelle main dans la deuxième partie de Négalité. Si la précédente lançait un appel avec son doigt levé, celle-ci n'a plus l'espoir et a abandonné. Elle ne fait plus face vers le haut mais se tourne vers le bas. Tel un navire dans la tempête elle tangue. Son pouce est le premier à sombrer, tendu vers les abysses, ne recevant presque plus de lumière. Cette main à l'esthétisme ingrat incarne la déchéance physique qui accompagne le déclin moral.
11. Une photo intermédiaire pour voir en gros plan l'avancée de la suivante déjà bien entamée mais ô combien difficile...
13. Un cycle s'achève avec ces 4 mains. La dernière en bas à gauche est le pendant en miroir de celle du dessus qui était dans l'espoir en pointant du doigt vers le haut. Elle plonge vers les profondeurs en pointant du doigt vers le bas, semblant perdre son énergie et abandonnant tout espoir. On peut les prendre deux à deux et imaginer que les deux du bas sont la projection dans le temps des deux du haut. La vieillesse accentue les inégalités dont la première qui concerne tout le monde : la santé. (Ce qui va se passer au milieu est à moitié finalisé. Je ne suis pas satisfait du résultat sur la deuxième partie à l'intérieur de ce cycle et y travaille encore...)